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Chapitre 3       La planète bleue

 

Le « Sheridan » était le premier des cinq vaisseaux d’exploration accompagnant le Concordia à arriver dans le système. Sur les six planètes répertoriées dans ce système, trois semblent abriter une forme de vie intelligente : Odin, Loki et Thor. Les trois autres, Heimdal, Frigg et Freyja font partie de celles où l’on espère le plus trouver des ressources. L’astronome qui a découvert ces planètes est un grand fan de mythologie nordique. Il pensait que donner des noms de dieux Viking aux planètes correspondait bien au caractère imprévisible et chaotique des orbites de ces dernières. Les hublots n’étaient pas nombreux sur les engins spatiaux. Normal, il n’y avait pas grand-chose à voir à l’extérieur sauf quand on approchait d’une planète. Habituellement délaissés, tout le monde s’y agglutinait aujourd’hui. Freyja grossissait à vue d’œil, la planète bleue ressemblait beaucoup à la Terre de par le fait que la quasi-totalité de sa surface était couverte d’eau. Un immense océan d’où émergeaient quelques morceaux de terre. Le plus important était situé dans l’hémisphère sud, c’est là que les navettes d’exploration allaient déposer le camp de base de la première mission. Freyja n’était pas habitée. En fait elle ne l’était plus au sens où on l’entend. Les sondes d’exploration qui avaient été envoyées bien avant le départ des vaisseaux avaient rapporté les images des vestiges d’une civilisation mais pas de traces d’une quelconque activité. La vie devait bien exister, mais elle devait être essentiellement sous-marine. Elle avait été jugée d’un intérêt mineur et ne ferait pas l’objet d’une étude et d’une exploration poussée. Cependant elle intriguait. Les communications reçues sur terre il y a trente ans laissaient entendre que nous avions été visité il y a bien longtemps. Toutes les données collectées et les observations faites par les sondes laissent penser que les visiteurs venaient de Freyja.

 

-       Ton nom est sur la liste, tu descends avec nous demain.

-       Pas fâché de quitter cette boite de conserve. Merci pour le piston.

-       Pas de quoi, de toute façon j’ai cru comprendre qu’on n’allait pas s’éterniser ici alors que les autres vont s’en mettre pleins les poches. Le nombre de missions va être réduit et donc on gonfle les effectifs pour optimiser. Avec ou sans mon aide tu serais descendu.

-       Un océanographe et un géologue, on va faire une drôle d’équipe.

-       T’oublies les archéologues. On va un peu se marcher dessus pour bosser dans nos spécialités sur ce bout de caillou. Ca sent un peu le bâclé cette mission, enfin on verra bien.

 

A peine posée, la navette ouvrit la grande porte cargo et l’air frais de l’océan s’engouffra à l’intérieur. Il était malheureusement irrespirable. La fine couche de l’atmosphère de Freyja ne contenait que peu d’oxygène et beaucoup de chlore. Ce mélange eau et chlore donne de l’acide chlorhydrique dans les poumons entrainant de graves brulures et la mort par asphyxie. Ca faisait quand même du bien de sentir un léger vent autour de soi, rien à voir avec la climatisation du vaisseau. Le petit respirateur portatif était bien léger et ne gênait en rien les mouvements. La gravité de Freyja était légèrement plus faible que celle de la terre et on semblait flotter sur le sol. Ce n’était pas comme sur la Lune, mais quand même, la sensation était étrange. Elle orbitait assez loin du soleil et il faisait assez froid. L’évaporation était faible et la formation de nuages difficile. Il stagnait à la surface comme un brouillard perpétuel avec une visibilité assez réduite. Freyja était plus jolie vue d’en haut.

​

-       On se croirait chez moi en Ecosse quand on va pécher le matin au bord du lac.

-       Tiens !... regarde plutôt ce que je viens de pécher. Une montagne de tablettes en phénicien trouvées là bas sous les arches du temple en ruine.

-       Très drôle ! si tu trouves la version anglaise, fais moi signe.

-       Tu crois pas si bien dire. Prend ça aussi, on dirait une copie de celles-ci en copte. Commence à les traduire, le patron veut en être sûr.

​

En les parcourant rapidement, il vit qu’on ne se moquait pas de lui. Il avait sous les yeux deux des écritures les plus anciennes de la Terre. On venait de lui apporter une écriture identique à ce que l’on pouvait trouver sur terre dans le bassin méditerranéen durant l’antiquité. Il n’y avait que cinq années-lumière de distance qui les séparait.

 

-       Elles racontent quoi ces tablettes ?

-       Je sais pas trop, je ne pensais pas devoir traduire du phénicien. Faudra les scanner et les passer dans la base linguistique.

 

Leur attention fut brusquement attirée par l’agitation qui venait du rivage non loin de là. Des plongeurs venaient de faire surface en faisant de grands signes et n’arrêtaient pas de parler en proie à une vive émotion. Ils posèrent les tablettes à terre et se dirigèrent vers le groupe. En s’approchant, ils remarquèrent qu’un des plongeurs saignait d’une oreille.

​

-       No oigo nada más!

-       Qu’est ce qu’il dit?

-       Il dit qu’il n’entend plus rien.

​

Les deux plongeurs espagnols étaient visiblement choqués et ce qu’ils se mirent à raconter était incroyable. Alors qu’ils exploraient une habitation engloutie, ils firent une étrange rencontre. Ce qui semblait être un gros poisson d’environ un mètre cinquante vint tourner autour d’eux. Ils furent surpris de sa forme quasi humaine. Une forme de femme. Une femme poisson avec un dos en écaille. Elle possédait comme une incroyable chevelure faite de fines tentacules. En guise de nageoire ce qui ressemblait à un bras mais très court avec une sorte de main à trois doigts. Cette créature étrange sembla les observer, puis plusieurs autres apparurent. Soudain l’une d’entre elles agrippa Miguel en cherchant à le tirer vers le fond. Elle se mit à pousser un cri strident continu qui leur vrilla les oreilles tout en les étourdissant. Elle fit apparaître alors une rangée de dents pointues comparables à celles des piranhas d’Amérique du sud. Pris de panique, Miguel réussit à se dégager grâce à son tazer électrique identique à celui que l’on emploie pour repousser les requins. Ils n’eurent que le temps de remonter à la surface et de rejoindre le bord, évitant ainsi la charge des autres créatures. Si on avait été sur terre, Miguel aurait appelé cette créature une sirène.

 

Deux jours plus tard, le scanner d’altitude photographia ce qui allait révolutionner les déplacements vers Freyja. Une énorme masse métallique de forme circulaire immergée peu profondément non loin du camp de base. Le lendemain, les géologues posaient sur le bureau du commandant une poignée de cailloux gros comme le poing, incroyablement légers aux propriétés surprenantes. Tous ces évènements allaient amener à une vidéo conférence avec le Concordia trois jours plus tard.

 

Un petit point rouge en haut de l’écran indiquait que la connexion était établie avec le « Sheridan » qui orbitait autour de Freyja. A l’écran, l’Amiral pouvait voir l’ensemble des responsables techniques de cette mission ainsi que le Commandant.

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-       Bien Commandant, je vous écoute .... vous avez d’importantes communications à nous faire ?

-       Tout à fait Amiral. L’exploration de Freyja s’avère beaucoup plus riche que nous l'espérions. Tout d’abord d’un point de vue archéologique, les recherches menées jusqu’à présent confirment la présence d’une ancienne civilisation disparue que nous connaissions aussi sous le nom d’Atlantide. Ce que Platon avait décrit dans ses œuvres à ce sujet serait donc bien exact. Nous avons retrouvé nombre de documents qui nous laissent penser que cette civilisation était très avancée et maitrisait les voyages dans l’espace. Il est donc fort probable que l’Atlantide, cette région mythique sur Terre aurait été une colonie de Freyja. Ils auraient déjà anticipé il y a bien longtemps ce qui arrive aujourd’hui et tenté un premier exode. Malheureusement pour eux, c’est un cataclysme planétaire qui a eu raison de leur civilisation avant qu’ils ne puissent migrer sur Terre. Ils auraient averti les autres peuples du système de ce qui allait arriver et de la viabilité de la terre. C’est probablement la raison pour laquelle nous avons reçu de nombreux messages.

 

Pour une nouvelle, ce fut une nouvelle. Il avait fallu voyager durant cinq années-lumière à travers la galaxie pour connaître l’origine d’un des mythes les plus anciens de la Terre.

 

-       Je vais maintenant laisser la parole au responsable de la mission scientifique.

 

Mike Singleton, spécialiste des technologies était très excité lorsqu’il intervint.

 

-       Amiral, les Atlanteïdes comme ils se nomment ici, avaient une connaissance scientifique très avancée par rapport à la notre. Ils avaient notamment des connaissances en physique et astro physique incroyables. Certains concepts nous dépassent complètement à l’heure actuelle et il va nous falloir des années pour les comprendre. Malgré cela, nous avons découvert une structure engloutie à faible profondeur que nous pensons pouvoir utiliser. Elle nous a semblé hors d’usage, mais nous avons découvert qu’elle était encore alimentée par un courant électrique.

-       Comment cela est-il possible ?

-       Le fond de l’océan est couvert de sorte de nodules dont la composition nous est inconnue. La structure semble en tirer son énergie. La salinité de l’eau produit une forme d’électrolyse sur le nodule qui génère une énergie. Nous pensons qu’elle serait exploitable pour nos vaisseaux.

-       Vous savez à quoi sert cette structure ?

​

Mike eut un grand sourire et se plut à faire attendre sa réponse en regardant ses collègues autour de lui avant de dire :

-       C’est une porte des étoiles ...

​

L'Amiral sourit à son tour.

-       Qu’est ce que vous voulez dire ? comme dans cette vieille série télé Stargate? 

-       Ce n'est pas exactement cela Amiral. Il va être possible de voyager directement vers Freyja de n’importe quel endroit de ce système. Nous ne pourrons pas retourner sur Terre grâce à elle. Elle agit par contraction de la gravité et distorsion du temps. C’est un raccourci appréciable dès que nous l’auront réactivé.

 

Une énergie nouvelle ... une technologie de transport ... Freyja n’était plus la planète sans intérêt que l‘on imaginait au départ. Elle n’allait pas tarder à voir arriver bien d’autres vaisseaux. D’ici peu, elle risquait la surpopulation.

L’Amiral reprit la parole.

 

-       Commandant, quelle est votre prochaine destination ?

-       Il a été prévu que nous commencions une exploitation de Heimdal si nous trouvions du minerai intéressant. Nous allons profiter de la trajectoire convergente de Freyja pour nous propulser sur Heimdal.

 

Ce petit jeu de passage de planète en planète allait être monnaie courante dans le secteur. Les orbites de celles-ci se croisaient parfois et il suffisait de se laisser porter de l’une à l’autre ou d’attendre pour se faire prendre par l’attraction de la suivante. Les calculs de prédiction des mouvements permettaient de se déplacer ainsi plus facilement en consommant peu d’énergie.

 

-       Parfait Commandant, tant que vous restez hors des zones que nous supposons habitées, pas de problème. Vous attendrez notre feu vert pour accéder à Loki, Odin et surtout Thor, dès que nous aurons pu rétablir les communications avec les peuples du système .

-       Entendu Amiral.

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