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Chapitre 8                   La lumière et la nuit

 

La Lumière

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-       Han … Prends le sac ! J’arrive !

 

Zhuai prit la photo de ses parents et la glissa dans sa combinaison. Elle voulait garder ce souvenir de sa famille. Un souvenir pour le petit à venir aussi. Il devait savoir qui étaient ses grands-parents même s’il ne les verrait jamais. Elle ferma la porte sans bruit. Tout était calme à ce niveau. Leur compartiment d’habitation n’était pas loin de l’amarrage de la navette de liaison. Elle pressa quand même le pas. Han l’attendait inquiet, il lui fit signe de se dépêcher lorsqu’il la vit. La porte d’accès de la navette était ouverte et le boitier de commande pendait accroché par quelques fils. Han avait débranché les contacts pour empêcher que le contrôle soit averti de son ouverture.

 

-       Monte et sangle toi à l’arrière …. tu seras mieux. Fais attention !!

-       Non !! Je viens à coté de toi, je ne suis pas en sucre. Ce n’est que mon troisième mois.

 

Il n’insista pas. On ne discutait pas avec une femme enceinte de ce qui est bien pour elle ou non. Han ferma manuellement le sas d’accès et s’installa rapidement aux commandes. Ca n'était pas gagné, ils allaient devoir rejoindre manuellement l’orbite de Loki avec pour seule assistance le calculateur de bord. Impossible de rentrer une programmation de navigation dans l’ordinateur de la navette sans attirer l’attention.

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Han se tourna vers Zhuai :

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-       T’es sûre ?

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Elle lui prit la main.

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-       On n’a pas le choix si on veut cet enfant. Elle posa sur lui un regard inquiet.

-       Tu le veux comme moi ?

 

L’allumage du système de navigation et du moteur allait déclencher des alertes  au poste central. Il fallait faire vite. Pas le temps de faire les check lists de vérifications. Han enclencha la séquence de démarrage automatique du moteur de la navette et la désarrima en même temps. La navette commença à glisser lentement le long du Concordia. Les voyants de démarrage moteur passèrent au vert. Han mit un peu de tangage et accéléra doucement puis plus brutalement. C’était parti.

 

Karl Offner et le premier commandant discutaient de la prise en charge de deux nouvelles cargaisons de Lokrite auxquelles on ne parvenait pas à attribuer un propriétaire quand le second officier de pont se présenta à eux.

 

-       Amiral !... le premier officier de pont signale un départ de navette non autorisé. D’après les signes vitaux captés par le système médical de bord, il s’agirait du pilote de transport Han et de la biologiste Zhuai. Ils étaient à bord du Concordia pour examens médicaux et devaient rentrer sur leur vaisseau d’affectation demain.

 

Le commandant renvoya le messager d’un signe de tête.

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-       Je devais t’en parler. Ces deux-là ont eu la bonne idée de vouloir implanter la race humaine jusqu’ici. La biologiste est tombée enceinte il y a 2 mois. Tu connais le protocole dans pareil cas.

 

L’amiral soupira profondément. Oui, il le connaissait.

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-       Je croyais que ça ne pouvait pas arriver. Qu’on nous avait prémunis contre ça.

-       Il y a des limites à la science, la nature a repris ses droits.

-       Cette fuite ne rime à rien. Qu’est ce qu’ils sont partis faire sur Loki ?

-       Installer nos premiers colons. Répondit-il ironiquement.

-       Ça te fait marrer ? Loki va disparaître dans quelques années. C’est zéro avenir là-bas.

-       C’était sûrement le seul moyen de garder l’enfant. Elle aurait été encore enceinte au moment de la cryogénisation de retour ce que le bébé n’aurait pas supporté. Tu sais c’est un sujet sensible pour les chinois. La politique de l’enfant unique a laissé des traces même après toutes ces années. On ne construit pas des vaisseaux d’exploration avec une nurserie. Peut-être plus tard quand les voyages seront si lointains que ce seront les générations suivantes qui arriveront à destination. En attendant on ne fait pas de bébés dans l’espace. Tu veux que j’envoie une mission les récupérer ?

 

Offner réfléchit un moment.

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-       Ils pensent trouver assistance chez les Lokurians je suppose. On peut les remplacer ?

-       On pourra faire sans eux. Ça ne met pas en péril le programme si c’est ce qui t’inquiète.

-       Alors à quoi bon …. Récupère au moins la navette.

-       Tu pourrais leur laisser comme cadeau de naissance… non je plaisante !! Je fais au mieux. On se retrouve au mess pour fêter notre première désertion ?

 

Il s’éclipsa sans attendre la réponse.

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La nuit

 

Cela faisait bientôt 11 mois que la mission Black Hole était sur place. L’ensemble des cinq vaisseaux d’exploration avec le Concordia remplissaient leurs missions au mieux, selon les objectifs et les intérêts des nations qui les avaient envoyées. Le contact avait été établi avec l’ensemble des peuples du système et cela se passait plutôt bien. Les Thoriens étaient bien sur les plus difficile à approcher et les relations restaient tendues. Ils n’avaient pas manifesté la volonté de mener un exode en direction de la Terre. Ils se considèrent comme un peuple élu et pour eux l’apparition du trou noir est le début d’une nouvelle ère. Leur planète sera la première à disparaitre, ils y voient un signe de plus dans le fait d’être choisi. Ils pensent accéder à un autre univers dans lequel ils étaient promis un avenir radieux. Depuis l’incident de l’exploitation, il a été donné ordre de les éviter au maximum.

 

La flotte bénéficiait aujourd’hui d’améliorations technologiques considérables. Les Odaniens avaient énormément contribué aux progrès en la matière. Certaines de ces technologies avaient pu être directement exploitées par les vaisseaux. Ainsi certains bénéficiaient de capacité de déplacement bien supérieur à leur arrivée. D’autres n’avait plus besoins de se ravitailler en énergie sur les planètes et la plus enviée, la téléportation faisait toujours forte impression lorsqu’elle était utilisée. L’exode n’avait pas encore commencé. Les Aliens préférant attendre les derniers moments pour quitter leurs planètes. Cette séparation resterait difficile et beaucoup ne croyaient pas encore à l’inévitable. Les Lokurians avaient pourtant émis le désir d’un départ anticipé d’une partie des leurs afin de « préparer » leur arrivée sur terre.

 

Depuis plusieurs jours la surveillance des troubles gravitationnelles s’intensifiait. Plusieurs alertes laissaient penser que l’effondrement du soleil allait arriver plus tôt que prévu. L’augmentation vertigineuse de la gravitation aux abords du soleil ne laissait guerre de doute la dessus. L’astrophysicien australien Rick Sanders demanda à voir l’Amiral en urgence.

 

-       Alors vous confirmez Rick, c’est pour bientôt ? lui demanda l’Amiral.

-       Je pense qu’au moment de la conjonction de ces trois planètes avec le soleil, il va se produire une contraction de l’espace et du temps. Ce qui va amener une compression du soleil vers une masse critique d’où s’en suivra l’effondrement de ce dernier amenant le trou noir.

-       As-t-on pu calculer la limite de l’horizon des évènements qui va en résulter ?

-       Une très bonne approximation du moins. Nous serons vite fixé, Thor nous montrera cette limite. Elle va atteindre cette région assez vite des que le trou noir sera formé. On va pouvoir observer ce phénomène très précisément. Vous imaginez, la disparition d’une planète.

 

Un large sourire illuminait son visage comme un enfant qui attend son cadeau de Noël. Comme si tout cela n’était qu’un immense spectacle. L’Amiral le fixa froidement et il revint à la réalité.

 

-       Il va falloir avertir les Thoriens très rapidement. Maintenant chaque minute compte s’ils veulent préparer leur exode…

 

Entrer en contact avec eux n’était pas gagné. Quand à les convaincre ou simplement proposer de l’aide ça relevait de la mission impossible. Tout cela sans compter sur le peu de compassion qu’avait l’équipage à leur encontre suite à l’agression sur Frigg.

Six semaines plus tard l’ordre avait été donné à l’ensemble de la flotte de se replier sur une orbite la plus éloignée possible du soleil. Compte tenu de la dispersion des vaisseaux à ce moment-là, un regroupement était inenvisageable. Certains avaient rejoint Frigg, d’autres Loki, le Concordia et le « Poutine » étaient sur Odin. Tous attendaient l’effondrement du soleil. Les calculs de cet évènement étaient bien différents de ceux effectués sur terre avant le départ. Tout cela arrivait bien plus tôt. Le « Sheridan » suivait l’orbite de Frigg. Il arrivait à son apogée et se trouvait à la distance maximale du Soleil. Devant lui Frigg Brillait encore éclairée par le soleil. Cette planète allait plonger dans l’obscurité définitive d’ici quelques heures. Probablement que tous les membres de l’équipage étaient collés aux peu de hublot du vaisseau. Ce qui allait se produire serait pour eux unique. La flotte était en position de sécurité et on attendait le spectacle.

 

Le soleil sembla grossir un peu et surtout il augmenta en intensité. La couleur jaune de la fusion nucléaire de son cœur devint blanc intense. Le rayonnement devait être monstrueux. Il y avait peu de chance que la vie sur Thor, la planète la plus proche, résiste. En un instant les Thoriens venaient de disparaitre. Puis la lumière passa au rouge. Les protections ioniques des vaisseaux étaient à leur maximum. Même à cette distance, ils étaient mortels. Grace aux Odaniens on avait créé des champs magnétiques qui amplifiaient la déviation du rayonnement. Le soleil grossit encore un peu. L’augmentation de chaleur, se fit sentir sur les parois du « Shéridan ». tout le monde retint son souffle. Si l’expansion continuait le soleil dévorerait tout le système sans même avoir besoin de devenir un trou noir. Ce n’était pas ce qui était prévu mais ici rien n’était certain. Il sembla hésiter,… et petit à petit diminua de façon perceptible. Puis cet effet s’accentua en accélérant. L’intensité lumineuse ne faiblissait pas. Et soudain ce fut le noir. Comme quand on éteint la lampe de la pièce. Frigg sans éclairage disparue. Il se mit à régner un noir profond à l’endroit même où il y a encore quelques instants brillait le soleil. Il venait de disparaitre à son tour. Des trainées de lumières semblaient ceinturer l’ancien astre. Il s’agissait de particules lumineuses proche du trou noir qui a cause de la distorsion du temps se dilataient à l’infini. Il sembla flotter un millier de comète aux alentours du Black Hole. L’horizon des évènements se matérialisait par la disparition de la lumière à l’intérieure marquant un contour net. Ce phénomène allait durer un certain temps puis ce serait le noir complet. Il se mit à faire froid. Un froid profond comme le noir qui régnait maintenant partout. Le vaisseau sembla onduler légèrement sous l’effet d’une force invisible. C’était la première onde gravitationnelle de formation. Le soleil en mourant provoquait le même effet qu’une pierre qui tombe dans l’eau. A la surface s’en suit une série d’ondulations qui partent dans toutes les directions. Cette propagation allait parcourir l’univers. Les planètes commenceraient à geler les unes après les autres au fur et à mesure que les derniers rayons du soleil viendraient à manquer. C’en était fini du système, il fallait penser au retour.

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