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Chapitre 6       L’exploitation

 

Arrivé en orbite autour de Frigg depuis maintenant 2 semaines, le « TAIYANG » était le quatrième vaisseau arrivé dans le système. Affrété majoritairement par les chinois, il avait une configuration très spécifique clairement destinée à l’exploitation minière. Frigg était complétement inhabité. Un environnement hostile à toute forme de vie composé de grands déserts rocailleux sans la moindre trace d’eau. L’atmosphère inexistante rendait la surface stérile à cause des rayonnements cosmiques qui bombardaient sans cesse la planète de fait sans protection. Les premières sondes d’exploration avaient révélé une densité de métaux extraordinaire en surface et donc facile d’accès. Frigg était l’endroit idéal pour récolter du minerai très riche à moindre coût et rapidement.

 

Le chef d’équipe peinait à mettre en action la grande foreuse. Les ouvriers n’arrivaient pas à la manœuvrer comme sur terre. Leur combinaison épaisse ressemblait plus à un scaphandre et malgré l’assistance électrique, ils avaient du mal à bouger. La gravité était plus importante que sur Terre et tout déplacement demandait un gros effort.

 

-       Je cuis là-dedans ! Ras le bol ! Ces combis c’est de la merde !

-       Garde ton souffle …. tu crames toutes tes réserves. Surveille tes jauges et économise ton oxygène.

-       Ils viennent nous chercher quand ?

-       Le poste finit dans une heure, la navette arrivera dans 25 minutes. En attendant mets en place ce foutu machin que la relève puisse commencer l’exploitation. Si on finit pas à temps adieu la prime d’installation. T’as envie de perdre ce fric ?

-       Ah non ! je me démène pas dans ce trou depuis trois heures pour rien !

-       Alors ferme la et active!

 

La voix dans son écouteur lui vrilla le tympan.

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-       Monte ici ! il y a une structure qu’on a pas vu à environ trois cent mètres.

-       Arrête de gueuler, j’arrive. Quoi comme structure ?

-       Je sais pas, on dirait un dôme … comme un gros igloo.

 

Le contremaitre du chargement ricana. Il était sur la même fréquence radio que l’équipe de la foreuse et lança :

-       Si tu vois des pingouins à coté, c’est que ton taux d’oxygène est trop fort. Tu deviens ivre.

-       Fais pas chier ! Dégage de la fréquence, les branleurs du chargement ont rien à foutre là !

 

Le chef d’équipe intervint aussitôt.

-       Oh oh !! Du calme !! C’est bon les gars !! Le dernier container est presque plein ?

-       Presque … on enlève dans dix minutes. Dis à tes gars de se magner.

 

Après quatre heures dans de telles conditions de travail, les esprits s’échauffent vite. Dans un dernier effort il arriva au sommet de la petite excavation où travaillait la foreuse. Pour lui c’était comme s’il avait gravi l’Everest.

​

-       Alors, c’est où ?

-       Là, droit devant

​

La structure ressemblait bien à un igloo avec une petite entrée sur le côté et des lignes pointillées tout autour. Elle se confondait avec des rochers, comme camouflée. C’est pour cela qu’on ne l’avait pas vu avant.

​

-       Qu’est-ce que c’est ?

-       Aucune idée.

-       Il parait qu’il y aurait des avant-postes thoriens un peu partout dans le système, tu crois que c’en est un ?

-       Possible. T’as vu bouger quelque chose ?

-       Non, quelques reflets sur le dôme, c’est comme ça que je l’ai vu... Tu crois qu’ils sont là pour le minerai ?

-       Je pense pas. Dans la région ils ont moins le sens de la propriété que nous. Leur philosophie en la matière c’est pourquoi se disputer pour savoir à qui appartient cette colline alors qu’elle était là bien avant nous et qu’elle sera toujours là après notre mort ?

-       Ca les gêne pas qu’on ramasse la caillasse comme ça sous leur yeux ?

-       Pour ce que ça va devenir d’ici peu. Qu’on l’emmène ou qu’elle finisse dans le trou noir, ça va pas changer grand-chose pour eux.

 

Les vaisseaux porte-containers faisaient la navette au-dessus de leur tête emmenant des tonnes de minerai vers le Taiyang puis direction le Concordia pour un premier raffinage. Ils soulevaient énormément de poussière à l’atterrissage et au décollage, impossible de ne pas les remarquer. Une pluie de gravier commença à leur tomber dessus.

 

-       Font chier là-haut, ils balancent les résidus de tamisage. Tu crois pas qu’ils pourraient attendre la fin de poste et qu’on soit remonté pour larguer leurs saloperies. Ils n’ont toujours pas compris que la gravité les précipitait vers la surface.

 

Malgré l’épaisseur de la combi, ils sentaient bien les impacts sur le corps. Incroyable qu’il n’y ait pas encore eu de blessé ou pire. Un morceau bien plus gros que les autres atterrit à moins d’un mètre d’eux. Il aurait pu leur être fatal. La pluie s’arrêta aussi brusquement qu’elle avait commencé. Les vibrations dans le sol indiquaient que la foreuse avait démarré.

 

-       Tu sens ça ? … c’est de la thune bien gagnée qui va rentrer sur nos comptes. Bon allez… on redescend … on signalera ce qu’on a vu au retour dans la navette.

-       Attends !... Regarde ! Ca s’active là-bas.

 

Les pointillés sur l’igloo s’étaient teintés de rouge. Il y avait comme une vague de poussière qui se dirigeait vers eux. Elle se sépara en deux et l’une d’elle prit la direction du stockage principal.

​

-       Il y a des formes dans la poussière, c’est pas un coup de vent. Je vois pas ce que c’est. On dirait des gros camions.

-       Magne ! Descend ! J’ai pas envie de savoir, on se casse !

 

Il fit basculer son intercom sur groupe.

 

-       Chang, arrête la foreuse on doit partir en vitesse ! Direction la navette, dis aux gars de tout laisser là !

-       Tu te fous de ma gueule, on vient juste de démarrer !

-       On va avoir de la visite, on a trouvé une structure qui a l’air habitée et je sais pas si c’est la foreuse qui les dérange ou s’ils en ont marre de se prendre la caillasse sur la gueule, mais ils viennent nous le dire. Les plaintes c’est pas mon boulot, alors fais ce que je te dis, on se tire.

 

D’un geste rapide, il fit passer l’intercom sur général.

 

-       De foreuse à chargement !

-       Chargement j’écoute.

-       Il y a du monde qui se dirige vers nous. A la vitesse à laquelle ils arrivent je pense qu’ils sont pas contents.  On va pas trainer là, on arrive dans une minute et on décolle. Lance la procédure d’évacuation d’urgence.

-       T’emballe pas, on voit rien arriver, t’es sûr que…

 

La coupure fut nette. Un silence angoissant se fit dans le casque.

 

-       Chargement .... Chargement ... Répondez ! ...

 

Il répéta trois fois l’appel, toujours rien. Il n’y aurait pas de réponse. C’était déjà trop tard, ils étaient sur eux. Arrivés à la foreuse, les gars les attendaient. Ils avaient déjà embarqué à l’arrière du transport. Chang l’agrippa et le tira à bord. L’engin démarra aussitôt. La vague de poussière était à moins de cinquante mètres d’eux. On voyait mieux les engins qu’elle enveloppait. C’était bien des Thoriens.

 

-       Fonce au site secondaire ! C’est trop tard pour le chargement.

 

Les gars le fixaient. On lisait clairement l’inquiétude dans leurs yeux. Il remarqua que tous avaient leur intercom sur général. Ils savaient. Le petit convoi de deux véhicules roulait le plus vite possible évitant au mieux les plus grosses pierres. A cent mètres au nord, ils virent décoller trois porte-containers.

 

-       Ces salauds nous attendent pas !

-       Sur la gauche … là ! Derrière le baraquement il y en reste encore un.

 

Le convoi fit un brusque virage à gauche en direction du dernier vaisseau. Soudain, le véhicule de tête fit un énorme bond de cinquante mètres, projeté en l’air comme s’il ne pesait rien. En retombant, il roula sur lui-même pendant encore au moins vingt mètres. Il venait d’être frappé par une onde de choc très puissante. Le second fit une embardée et stoppa brutalement contre un rocher. On venait de les attaquer avec une arme à énergie dirigée.

 

-       Tous dehors ! Descendez, on fonce !

 

Il restait une trentaine de mètres à peine à parcourir pour s’en sortir. Le porte-container alluma ses moteurs, il allait décoller.

 

-       Non, non, non ! On est là ! Attendez !

 

Malgré l’assistance électrique, ils avaient tous beaucoup de mal à avancer. Une deuxième onde de choc aplatit comme une crêpe leur dernier espoir. Le petit groupe s’arrêta net. Le porte-container avait était broyé comme par un coup de massue géante. En se retournant, ils virent un groupe de Thoriens qui se dirigeait vers eux. Personne ne les avait jamais approchés de si près. La panique les gagna rapidement. La violence qui venait de se déchainer ne présageait rien de bon. Certains cherchaient à s’enfuir en allant en direction du baraquement. Chang était résigné, il attendait faisant face à son destin. Dans le ciel, visible depuis son orbite basse, le Taiyang allumait ses propulseurs. On les abandonnait.

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