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Chapitre 5          Le Trou Noir

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La salle de navigation du Concordia regorgeait d’écrans qui surveillaient l’activité du Soleil. Le point d’attente qu’il devait rejoindre se situait non loin de Thor qui était la planète dont l’orbite était la plus proche. Voyager dans ce secteur n’avait rien de facile. Des changements gravitationnels incessants  vous donnaient l’impression de naviguer en mer par forte houle. Le temps se contractait et se dilatait au gré de ces changements. On avait dû établir une sorte de temps universel de référence pour ne pas se perdre et surtout savoir où en étaient les autres vaisseaux en terme de temps par rapport à nous. En effet, inutile de s’inquiéter si on envoyait un message et que la réponse tardait. Il était fort possible que le temps se soit accéléré pour nous et donc même si la réponse avait été quasi immédiate, elle semblerait nous arriver plusieurs heures plus tard. Toutes les références habituelles étaient chamboulées. La navigatrice Carla Steinberg essaya pour la dixième fois de faire comprendre à son opérateur pourquoi le temps fluctuait ainsi.

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-       Écoute-moi bien, c’est pas difficile. Quand un trou noir se crée, il augmente la gravitation autour de lui. D’après la loi de la relativité d’Einstein, le temps est lié à la gravité. Plus la gravitation est forte, plus le temps passe vite. Donc si deux vaisseaux sont à proximité d’un trou noir, le temps sur le vaisseau le plus proche du trou noir passe plus vite que sur le vaisseau le plus éloigné. Il se peut que pour une minute sur le vaisseau le plus proche du trou noir cela corresponde à une heure sur le plus éloigné. Tout dépend de la différence de la force de gravitation entre les deux vaisseaux. C’est pour ça qu’on surveille les fluctuations gravitationnelles.

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Max leva les yeux vers Carla avec le regard d’un enfant qui n’ose pas dire qu’il n’a pas compris …. de peur de décevoir. Le deuxième navigateur fit pivoter son siège et se tourna en direction de Max.

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-       Max !! Quand ton ex femme te disait en entrant dans la salle de bain, je suis prête dans deux minutes et que tu la voyais ressortir une heure plus tard, ben c’est pareil. Le temps passe pas à la même vitesse pour elles et pour nous !

-       Ah ouais…

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Dans un soupir, Carla leva les yeux au ciel en haussant les épaules, préférant ne pas relever cette explication sexiste. Elle retourna sur l’ordinateur calculer la nouvelle route du Concordia. Le deuxième navigateur reprit sa place, soulagé de ne plus avoir à entendre les mêmes explications.

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L’Amiral était soucieux. Le calcul de l’horizon des évènements allait poser problème. L’horizon des événements d’un trou noir est la limite à ne pas franchir si on ne veut pas y être attiré sans pouvoir en ressortir. Il définit en quelque sorte sa taille. Pour cela, on a besoin de connaitre la masse du soleil qui va le composer pour calculer le rayon de l’horizon des évènements. Mais jusqu’à présent, il a été impossible de calculer la masse du soleil tant les télémesures sont faussées par les fluctuations gravitationnelles. Sans connaitre la masse du soleil, impossible de déterminer l’horizon des évènements. Etablir une limite de sécurité était  une des missions prioritaires du Concordia.

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-       Combien de temps encore avant l’apparition du Black Hole ?

-       Difficile à dire… les calculs de la conjonction des planètes qui va amener sa formation sont toujours en cours. Les derniers calculs faits avant le départ nous laissaient une bonne marge mais avec ces foutues interférences gravitationnelles, on peut difficilement prévoir.

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Les communications avec la Terre ont été définitivement rompues depuis des années. Les signaux radio sont bien trop lents pour la distance à parcourir. Ils arrivaient sur Terre dans quelques milliers d’années. Les Lokurians ou les Atlanteïdes avaient trouvé une astuce pour que les leurs arrivent bien plus vite, mais on ne la connaissait pas. L’expédition était complètement livrée à elle-même.

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-       Je pense que les Odaniens pourraient avoir la réponse. Ce sont des ingénieurs hors pair parait-il. Peut-être que…

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L’Amiral voyait très bien où l’astrophysicien voulait en venir. Ces premiers exercices de communication avaient fait le tour du vaisseau. Les jumeaux n’avaient pas été très discrets sur ce coup-là. Malgré leurs conseils, il avait du mal à se concentrer et restait pour le moment plus ou moins coincé dans une sorte d’hallucination lors de ses tentatives de communication incapable de faire la part des choses entre ce qui était vraiment du contact et du domaine du rêve.

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-       Je peux demander aux jumeaux qu’ils posent la question lors d’un prochain contact. Sait-on au moins quelle sera la première planète à disparaitre lors du bouleversement des orbites ?

-       Tout le monde s’accorde à penser que ce sera Thor.

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Contrariant. Thor était sûrement la planète où il y avait le plus à découvrir, mais aussi la plus compliquée à contacter. La seule certitude des astrophysiciens était qu’à l’apparition du Black Hole, toutes les orbites des planètes allaient converger vers ce dernier donc toutes les planètes allaient finir par disparaitre inexorablement les unes après les autres. Il allait falloir jouer à un jeu dangereux si on voulait explorer un maximum de planètes … sauver le plus d’aliens possible et obtenir la plus grande quantité de ressources avant la fin du système.

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