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Chapitre 4           Les Lokurians

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Les jumeaux se remettaient lentement de leur premier contact. Ils se promenaient dans les coursives et semblaient aller bien mieux. Les médecins n’étaient plus inquiets depuis que les communications avaient cessé. Les Lokurians avaient dû se rendre compte que c’était bien trop intense pour eux. Ils étaient comme des enfants qui apprennent et avaient besoin de temps pour assimiler. Pourtant il devenait urgent d’entrer de nouveau en communication. Les  jumeaux ne sachant pas encore comment faire, il fallait donc attendre que les Lokurians reprennent l’initiative.

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-       Amiral, un signal continu en provenance de Loki est capté depuis presque une heure maintenant. Nous l’avons pris pour un bruit parasite au début, mais il monte en puissance et sa fréquence est identique à ceux reçus sur terre. Nous aurions besoin des jumeaux pour le déchiffrer.

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Avec ce que nous connaissons, il semblerait que ce soit une invitation. Il vaudrait mieux être sûr.

L’Amiral était contrarié. Pourquoi ne l’avait-on pas prévenu plus tôt ? Il était en plein préparatif pour se positionner au rendez-vous d’attente du reste de l’escadre, mais cette nouvelle changeait tout.

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-       Faites les venir en salle  de communication. Prévenez moi plus tôt la prochaine fois Grommela-t-il.

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La salle de communication ne contenait que le strict personnel. Les jumeaux étaient assis en face de la console de transmission. Un petit haut-parleur diffusait une série de modulation sonore, parfois comme de la musique et parfois comme d’insupportables grésillements. Jumeau A avait un casque sur les oreilles et semblait profondément absent. Jumeau B était très nerveux et on le sentait stressé sûrement encore marqué par sa dernière expérience traumatisante. On ne savait rien d’eux. Leur cas était terriblement classé secret. Ne connaissant pas leurs noms, tout le monde les appelait A et B sans vraiment savoir qui était A et qui était B tellement ils se ressemblaient. On ne connaissait pas non plus leur âge mais ils ne devaient pas avoir plus de quinze ans au moment du départ. Personne ne pouvait s’adresser à eux directement. Ils avaient une sorte de nounou qui les chapotait et on devait passer par elle pour toute question ou demande. C’était débile, mais c’était comme ça. Quant à savoir d’où ils venaient et pour qui ils travaillaient ….il était impensable de même oser le demander.

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L’officier de liaison guettait le moindre signe de l’un des jumeaux, prêt à enregistrer ou prendre des notes. Cela faisait plus d’une heure qu’ils étaient en « communication » avec les Lokurians et on ne savait toujours rien du contenu de ce contact. Soudainement jumeau A enleva son casque et avec un fort accent du Pays de Galles, il s’adressa à l’amiral.

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-       Nous devons vous voir seul dans votre bureau.

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C’était bien la première fois qu’on entendait leur voix. Jumeau B se leva et avec son frère ils se dirigèrent vers les quartiers de l’Amiral. A la stupéfaction de tous, la nounou les laissa sortir seuls. L’amiral leur emboita le pas. Il avait été surpris par la détermination de ces jeunes garçons. A peine dans le bureau, jumeau B commença.

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-       Ils veulent que nous descendions sur leur planète et nous ont fixé un lieu de rencontre.  Auparavant nous devons vous prévenir de certaines choses. Notre espèce et la leur sommes très différents. Ils pensent que nous serions choqués par leur apparence. Aussi, afin de ne pas nous perturber plus que nécessaire, ils vont nous laisser les « voir » au travers d’une projection mentale qui nous est acceptable. Les Lokurians peuvent influencer notre perception du monde. Ils ont trouvé dans notre inconscient collectif une représentation qui pourrait convenir. Elle risque d’être légèrement différente pour chacun de nous. Le cerveau humain peut « adapter » cette image en fonction de la sensibilité de celui ou celle qui va la recevoir. Les différences devraient toutefois rester minimes. Nous devrions donc tous « voir » les Lokurians de la même manière.

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L’Amiral s’assit à son bureau et son humeur s’assombrit un peu plus. Il n’aimait pas beaucoup cette idée de projection mentale. Que pouvaient-ils nous cacher d’autre par ce biais ? On aura bien du mal à savoir ce qui sera réel de ce qui ne le sera pas sur Loki.

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-       Ils sont si horribles que cela ?

-       Ils sont … différents.

-       Vous avez vu leur véritable apparence ?

-       Oui … C’est ce qui nous a choqué le plus au cours de la dernière communication. Vous avez vu dans quel état cela nous a mis. Ils ont donc décidé de cette protection afin d’éviter la panique et des réactions excessives à leur égard.

 

C’était sensé mais il n’aimait toujours pas cette idée.

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-       Il faut qu’on vous prévienne aussi… Ils ont la possibilité de lire dans notre esprit. Cela n’a rien d’agressif ni de volontairement indiscret, c’est leur mode de communication. Aussi sachez qu’ils « entendront » tout ce que vous allez penser. La notion d’individualité et d’intimité leur est assez étrangère. N’oubliez jamais que vous ne pourrez pas avoir de secret pour eux.

L’Amiral comprit instantanément qu’il faudrait jouer franc jeu comme jamais. Tout le monde ne pourra pas entrer en communication sans risquer de graves conséquences. Dans un premier temps il faudra choisir les interlocuteurs.

-       Ils comprennent notre langage ?

-       Ils sont au-delà de ça. Ils envoient des images, des symboles, des signes. C’est le cerveau qui fait la traduction en fonction à la fois du ressenti et des concepts que l’interlocuteur est capable d’appréhender. Il y a une grande part de culture commune dans leur « langage » et c’est pour cela qu’il est difficile pour le moment de bien nous comprendre entre peuples différents. Nous les « entendons » mieux que nous arrivons à leur « parler ». Vous aurez plus l’impression d’avoir compris quelque chose plutôt que de l’avoir entendu, mais rassurez-vous … cela vient assez vite, même si c’est très perturbant au début. On doute beaucoup, on manque de confiance, c’est normal, c’est l’apprentissage.

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Ce jeune homme à peine sorti de l’adolescence était étonnant dans son comportement. Il parlait de communication avec un peuple extraterrestre comme s’il avait toujours connu cela. Lui-même devait être en proie à l’incertitude et sûrement une forme de crainte mais ne laissait rien paraitre. L’autre jumeau avait écouté sans rien dire. Il fixait l’Amiral comme pour confirmer l’avertissement de son frère.

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-       Où veulent-ils nous rencontrer ?

-       Dans une plaine ronde près d’une grande forêt en forme de carré. Ils les ont délimité ainsi pour que nous puissions repérer ces formes géométriques depuis notre orbite.

-       Quand cela ?

-       Dès que leur planète aura effectué deux rotations sur elle-même, ce qui devrait être équivalent à trois jours selon notre système de mesure du temps. Ils pensent que ça sera suffisant pour vous.

-       Suffisant pour … ?

-       Apprendre les premières étapes de la communication et les premiers concepts fondamentaux. Cela vous servira aussi pour entrer en contact avec les Odaniens.

-       Et avec les Thoriens ?

-       Ce sera plus compliqué. Les Odaniens adopteront la même façon que les Lokurians pour communiquer. Eux n’utilisent pas la projection mentale. Vous les verrez réellement comme ils sont. Nous aurons besoin des Lokuriens et des Odaniens pour approcher les Thoriens car ils ne nous font pas confiance et ne souhaitent pas nous rencontrer.

-       Vous pensez que ce sera possible en si peu de temps. Je n’ai aucun don particulier.

-       Ça dépendra de vous et de ce que vous êtes prêt à accepter. Pas besoin de dons particuliers même si ça aide.

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Les jumeaux échangèrent un regard complice et malicieux.

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-       Je commence quand ?

-       Maintenant.

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Il posa sa main sur le front de l’amiral qui s’affaissa dans son fauteuil, ses paupières se fermèrent doucement et il sembla dormir en un instant. Pourtant il était en pleine conscience. Le jumeau allait tenter la communication avec les Lokurians pour sa première leçon.

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-       Ferme la porte, on en a pour un moment.

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